La gare Saint Lazare : à bien considérer ce nœud ferroviaire, locos, wagons, michelines, express et tortillards ressemblent en leurs tuyaux colorés à des serpents métalliques qui sifflent sur nos têtes. Les rails grouillent, tellement qu’on ne voit plus le sol, ils ont presque éradiqué toute verdure, il ne reste que quelques demeures : comment les arbres ou les maisons, tout ce qui s’en racine, pourraient-ils encore germer sur terre, quand tout est circulation ?
Au train où vont les choses, la Gare est devenue Sale Hasard.
En Inde, les vaches sacrées baguenaudent au milieu des voies pour leur bovine délectation : regarder passer les trains. En occident, l’agneau mystique est signe divin, aussi devant la Gare Sale Hasard, passe l’Agneau de la Sainte Communion, c’est le seul vivant, survivant de ce monde qui ne jure que par les communications.
Le divin animal a pris son bâton de pèlerin et trottine à rebours, il va bon train dans le grand dérangement du monde, qu’il regarde d’un œil placide. Toutes les locos sont de sortie, des vieux modèles aux trains électriques et tous les chemins mènent, non plus à Rome, mais à l’embouteillage.
Dans le grand déraillement du monde, l’Agneau est passé au rouge, comme un signal : Terminus, tout le monde descend !
Christine Sourgins