Monsieur le Chancelier,
Monsieur le Consul Général a bien voulu m’accorder l’asile onirique, il m’encourage en outre à demander la nationalité patagonne. J’ai donc la joie de postuler à cette dignité.
Bien entendu, je souhaite servir le rayonnement de Sa Majesté. Or, en tant qu’historienne de l’art et admiratrice de Baudelaire, je nourris depuis l’enfance une passion pour les Phares. Tous les phares. Les côtes Patagonnes, où la mer a du caractère, sont idéales pour la construction d’ouvrages salutaires aux malheureux qui barbotent dans les eaux troubles de l’époque. Je suis persuadée que la résurrection de la tour de Pharos ne pourra se faire qu’en Patagonie, seul royaume apte à conserver durablement une merveille de monde ; les Patagons réussiront là où les égyptiens, comme les grecs trop rationnels, ont lamentablement échoué. Je connais, bien sûr, les efforts de Mr Bronner qui a reconstruit de ses mains un phare au bout du monde.
Néanmoins, c’est à d’autres formes de sauvetages ou de reconstructions que je m’emploie. Dénicher les artistes isolés, qui campent devant leur toile comme Robinson sur son île ; éclairer les archives, les talents oubliés dans les fonds d’atelier ; marquer les écueils d‘une histoire de l‘art tumultueuse, voire boueuse, menaçant d’engloutir les derniers poètes, les ultimes rêveurs.Enfin, comme j’appartiens à la génération post-soixante huit, celle qui manque singulièrement de repères, vous comprendrez mon goût pour les balises …
C’est pourquoi je sollicite de votre bienveillance un poste de conservateur au musée, baudelairien, des Phares et Balises de Patagonie.
Veuillez agréer, Monsieur le Chancelier, l’expression de ma haute considération.
Christine Sourgins