Pourquoi soutenez-vous cette initiative des Collectionneurs patagons ?
Les collectionneurs patagons aiment les œuvres d’art, ils ne les emprisonnent pas dans un coffre-fort ou dans un « port-franc » mais ils vivent avec elles… Ils aiment leurs auteurs et savourent les conservations d’ateliers : ils m’ont proposé d’écrire cette aventure, désirant montrer les travaux de dix peintres, d’un graveur et d’un dessinateur. Plus deux sculpteurs, académiciens, qui protègeront la Patagonie de la pointe de leur épée !
Ce n’est pas une galerie, rien n’est à vendre, mais pas non plus un musée véhiculant l’idée d’institution et de consécration car le recul de l’histoire nous manque pour consacrer quiconque. C’est un lieu imaginaire qui crée un chemin de traverse dans la pratique picturale d’aujourd’hui. Nous inaugurons la première salle de ce « musée » qui grandira hors des contraintes de la rentabilité : en Patagonie, nous sommes tous bénévoles.
Collectionnez-vous ?
Ma collection est dans ma mémoire, elle est toujours avec moi, aussi les collectionneurs patagons m’ont demandé de renouer avec l’« ekphrasis » des anciens grecs, la description des œuvres d’art, conçue comme une communion avec elles. L’ekphrasis ne doit ni redoubler l’œuvre ni la réduire à un prétexte à jaser… J’espère avoir su mettre en mots à quel point les œuvres d’art sont des catalyseurs de vie.
Quel est le fil conducteur de ce musée imaginaire ?
Le musée Patagon reflète les nuances de cet art de la main pensante qu’est la peinture (ou la sculpture) ; il n’héberge ni « école » ni artistes, il accueille certaines de leurs oeuvres, sans que cela cautionne l’ensemble de leur travaux. Le musée patagon souhaite susciter des vocations de collectionneurs, et surtout une autre façon de collectionner, d’apprivoiser tableaux et sculptures. Mais si vous préférez une réponse patagone, je dirais que ce musée applique certains principes de Pataphysique, science des exceptions et des solutions imaginaires et fonctionne selon un ensemble de correspondances, d’affinités électives, dont la Patagonie est le centre apparent. L’historienne ajoutera, cum grano salis, que Joaquín Torres García établit dans un dessin de 1943 l’importance stratégique de la Patagonie dans un monde bouleversé…