En 2009, Christine Sourgins, écrit au Consul Général de Patagonie pour lui demander l’asile… onirique :
Monsieur le Consul général,
Avant de vous présenter ma requête, souffrez que je vous expose quelques faits susceptibles de l’éclairer.A six ans, j’ai pris de l’altitude, plantant au grenier un bivouac en sac de jute : dormir à la belle ardoise, au clair de lucarne ! C’est là, extirpant de la poussière des objets de rebut, que j’entrevis une vocation d’archéologue… Las, le grand-père cherchait partout ses sacs à patates ; il perquisitionna mon champ de fouille et j’ai du décamper.Réfugiée au fond du jardin, dans la réserve à bois entre rondins et tôles, je restais des heures à l‘affût, le carnet de croquis en main, à portraiturer les nuages. J’ai dérangé une couleuvre qui n’entendait pas céder le terrain ; j’ai du battre en retraite. Littéraire placée d’office en section mathématique, j’ai défendu ma peau contre les logarithmes, les homothéties vectorielles et autres vipères algébriques. Puis, (j’abrège), j’ai été viré du cours de caté, de celui de mandoline, sans compter d’autres largages, sur lesquels je resterai discrète.
J’ai survécu mais je ne suis pas devenue archéologue, pire, je vis dans un immeuble de béton, sans grenier ni jardin, et les nuages préfèrent désormais être pris en photos plutôt qu’en peinture. Je me crus sauvée au milieu de ma bibliothèque. Enfin, je régnais sur un palais de rayonnages, mon royaume de papiers. Mais, archéologue dans l‘âme, je garde chaque trouvaille, incapable de rien jeter, d’où l’apparition d’une paperasse qui est aux papiers ce que la populace est au peuple. En outre, je suis incapable, en bonne élève de mathématiques modernes, de calculer le poids de rupture d’une étagère.Celle qui est placée à l’entrée de l’appartement, vient de s’écrouler derrière la porte principale. Les paperasses ont pris le pouvoir, ont fait barricade, m’exilant dans la rue, m’enfermant bêtement à l’extérieur.
Monsieur le Consul Général, est-ce que vous ne pourriez pas m’accorder l’asile onirique ?
Agréez, Monsieur le Consul général, l’assurance de ma très haute considération.
Christine Sourgins
Sa Majesté Orélie-Antoine Ier lui accorda la nationalité patagone et la nomma « consultante pour les phares et balises de Patagonie ».